Marni Jazz Festival 2023 – Part 2 – Yannick Peeters et Giuseppe Millaci

Ce qui est intéressant dans un festival comme celui du Marni Jazz, c’est qu’il tourne autour d’un instrument, en l’occurrence, cette année : la contrebasse.

Cela permet de mettre cette dernière un peu plus en lumière, mais aussi d’en comparer les différentes approches. Et cela sans arrière-pensées de compétions, bien entendu.

En enchainant de cette façon cinq concerts (un par jour, pour ne pas se noyer dans l’abondance de performances), on peut ainsi apprécier le caractère singulier de chacun des leaders.

Après Sal La Rocca, Nic Thys et Sam Gertsmans (vous pouvez lire le compte-rendu des concerts ici), c’était au tour de Yannick Peeters et, finalement, de Giuseppe Millaci de monter sur scène.

21 septembre, Yannick Peeters présente GingerBlackGinger, entourée de Frederik Leroux à la guitare électrique, Frans Van Isacker à la clarinette basse et à l’alto, et Tom Rainey (oui, celui qui partage la scène avec Tim Berne, Ingrid Laubrock, Ralph Alessi, etc.) aux drums.

L’ambiance est à la concentration et le public très attentif. C’est la musique qui demande cela.

Une musique aussi introspective que tourmentée, aussi raisonnée qu’agitée. Parfois austère et inquiétante. Parfois sombre aussi.

La guitare de Frederik Leroux est tranchante et incisive, le son très cinglant et métallique. Les riffs sont brefs et aventureux. Frans Van Isacker fait hoqueter sa clarinette basse, insufflant ainsi des cris et des pleurs dans une atmosphère mélancolique.

Le jeu de la contrebassiste est, quant à lui, très mobile et imprévisible. Yannick Peeters, avec le reste du groupe, cherche les sons, joue en « échos instantanés » face aux attaques autoritaires de Tom Rainey. C’est souvent ce dernier, d’ailleurs, qui semble imposer cette couleur avant-gardiste à ce jazz très libéré (et presque libertaire). L’épidermique se connecte alors au cérébral. Ou inversement.

De la transe, de l’intensité, de l’inventivité. Tout cela est distribué au fil de morceaux qui s’enchainent sans que jamais on ne laisse le temps à la tension de redescendre.

Le lyrisme (intellectualisé) se colore parfois d’influences indiennes et se juxtapose aux intentions post-bop avant-gardistes ou, même, à de lointaines impulsions rock.

Tom Rainey alterne mailloches et baguettes, découpant les rythmes et relançant ponctuellement le quartette sur des pistes inconnues. L’improvisation est maîtrisée, la connexion entre les musiciens idéale. Van Isacker fait couiner et grincer son sax, joue la dissonances tandis que Leroux fait crisser les cordes et évoque, régulièrement, une mélodie douce et disloquée. Chacun s’écoute, se comprend, se répond. C’est ce que l’on pourrait appeler de la musique pour musiciens. C’est une recherche sur le son, sur les sensations, sur le langage et le dialogue. Et ce qui est bien, c’est que le public – s’il le veut, ou si il en fait l’effort – n’est certainement pas exclu.

Ce soir, c’est un peu comme si on était au The Stone à New-York. Et c’était une belle expérience.

Le 22, pour clore le festival, Giuseppe Millaci et son Vogue Trio étaient invités à présenter leur dernier album Double Portrait.

Depuis plus de six ans, le trio développe et affine un jazz tendance post-bop moderne, dans le sillon des Mehldau, Aaron Parks et autres Fred Hersch.

Si le début du premier morceau semble un peu hésitant (comme si l’on cherchait la bonne tonalité) le trio trouve vite sa vitesse de croisière. L’ambiance est feutrée, rassurante et élégante. Dans le lyrisme des compositions très joliment ciselées par le contrebassiste, Amaury Faye propose de pertinents décalages. La main gauche ferme et indépendante permet à la droite de prendre toute les libertés. Le phrasé du pianiste est précis et vif. Faye insuffle une énergie positive et contagieuse à l’ensemble. « Where Everything Began », « Broustin Avenue » ou encore « Bad Fortune » s’épanouissent avec sobriété et le drumming subtil de Lionel Beuvens est une assise solide pour le trio. Avec discrétion et un sens nuancé de la pulsation, Beuvens renforce la cohésion du groupe.

Ce soir, le trio ne joue pas que les morceaux du dernier album mais revient aussi sur quelques anciens titres et autres standards, peu courants, lorsqu’il accueille le jeune saxophoniste japonais (que le groupe a rencontré là-bas) Takumi Nakayama.

Le jeu de ce dernier est très clean et très sobre, et « Speak Low », « Time Waits » ou « Beautiful Love » (avec une superbe intervention d’Amaury Faye) sont exécutés dans les règles de l’art. Il faudra attendre « Turn Over » (extrait de l’excellent album Phases de Millaci avec Manu Codjia et Lieven Vencken, que je vous recommande) pour que le saxophoniste se révèle pleinement.

Un concert plein de fraîcheur et de douceur, idéal pour boucler la boucle autour d’un instrument parfois trop dans l’ombre et pourtant indispensable.

Merci au Théâtre Marni pour cette belle sélection (en en attendant d’autres).

Et merci à ©Olivier Lestoquoit (Zi Owl) pour les images.

A+

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