Nosy Boraha Jazz – Madagascar – Part 3

Pour sa seconde et grosse soirée, le festival se déplaçait à La Varangue, non loin de l’hôtel Mantis Soanambo qui avait accueilli, la veille, The Hands (lire ici).

Rappelons que l’Île Sainte Marie n’est longue que de soixante kilomètres et large d’à peine plus de vingt. La végétation y est opulente, les eaux sont pures et les plages idylliques. Les habitants, quant à eux, vivent de peu, sont rieurs et tellement attachants.

La Varangue (à la Villa de Vohilava) signifie « la terrasse », et celle-ci est magnifiquement prolongée par un ponton en bois qui s’avance dans la mer. Ici aussi, l’accueil y est délicieux et le panneau, planté à l’entrée, sur lequel on peut lire : « Chez nous le client n’est pas roi, c’est un ami », n’est pas qu’une formule.

Ce soir, il fait chaud et doux et le public se rassemble autour d’une scène centrale surélevée, abritée sous un toit en bois et feuilles d’arbre du voyageur. Le rêve éveillé.

C’est le trio Zaina qui assure la première partie. Une jeune fille au chant et aux percus (style shaker), un chanteur derrière son djembé et Zaina, le leader, au chant et à la guitare. Ce sont les voix qui retiennent d’abord l’attention. Tout se chante ici, ou presque, sur un ton haut perché et souvent en contrepoint. Les chanteurs créent ainsi des contrastes étonnants en répondant ou complétant, chacun à leur tour, les refrains. La syncope est particulière et chaloupée et se chante parfois a capella. C’est une fusion entre du traditionnel, du blues un peu folk ou un peu funk, et cela s’appelle « Beko ». Zaina m’explique que ses chansons racontent tout un parcours de vie et de rencontres et défend des valeurs: l’apprentissage, le couple, l’honnêteté de gagner sa croûte, la famille, la fidélité (ou l’infidélité) et les esprits qui soignent l’âme et protègent l’être. Beau et touchant moment.

Lalatiana, star incontestée dans son pays et trop peu connue chez nous (je le répète et j’insiste), devait jouer avec son pianiste. Ce dernier, retenu sur l’autre rive à cause de ce satané cyclone, est remplacé par le guitariste Joël Rabesolo, bien connu chez nous. Du coup, nous n’aurons droit, malheureusement, qu’à trois chansons… mais quelles chansons (!!) : « Antson’ny manina », « Iray minitra monja » et « Morondrano », soit deux compos personnelles et un air populaire, si j’ai bien compris.

La voix de la chanteuse malgache est incroyable d’amplitude. Elle peut être douce et profonde pour ensuite monter très haut, sans jamais aller dans les aigus (je ne sais pas si cette description à un sens, mais c’est ce que j’ai ressenti). C’est assez bluffant. Lalatiana est de la trempe des Aretha Franklin, Cesária Évora, Liz McComb ou… j’ose le dire, Mahalia Jackson.

Il est rare d’entendre autant d’émotions aussi sincères, délivrées avec tant de puissance et de retenue. Lalatiana impose sa voix, sa présence, son message. Sans forcer. Elle est juste magnétique ! Joël Rabesolo, quant à lui, est au service de ces chansons qui mélangent les moments heureux comme les plus affectés, qui tutoient aussi parfois le divin. Je n’étais pas loin, je l’avoue, de devoir écraser une larme. Moment magnifique. Trop court, trop magnifique. A découvrir, je vous le dis !

Le temps de se prendre un ponch ou un rhum pour me remettre de mes émotions, et c’est le trio belge (enfin, venu de Belgique) qui prend le relai. Ibiyewa est drivé par l’excellent batteur béninois (résidant à Bruxelles) Angelo Moustapha, secondé par Joël Rabesolo (guitariste malgache, qui vit lui aussi à Bruxelles) et renforcé par notre saxophoniste ténor Toine Thys national. Avec ces trois-là, l’ambiance change encore et devient vite incandescente. Le groupe propose un mélange tonique de jazz moderne, de rythmes afrobeat et funky ou de calypso revisité et tailladé par le rock.

Avec bonne humeur, et un plaisir communicatif, les musiciens échangent, bâtissent et improvisent. Toine souffle avec ardeur et utilise quelques pédales d’effets qui ajoutent une dimension supplémentaire à cette musique multicouche. Angelo, qui mélange les rythmes et les tempos, se fait parfois délicat et souvent volcanique. C’est un peu lui qui oriente le projet.

Quant à Joël, il est époustouflant de virtuosité. Gaucher, il joue sur une guitare de droitier où les cordes basses sont restées en bas (il a appris à jouer sur la guitare de son frère… droitier). Il nous embarque vite dans des transes obsédantes, traversées des riffs rock aux sons ultra saturés et très hendrixiens. Ses doigts s’agitent et cavalent sur le manche. Son fingerpicking assure sans peine les lignes de basse et dessine les mélodies. Ibiyewa met le feu avec « Côté lumière », « Natural », « Candy » ou « Jejojejo ». Ça danse et ça tournoie. Ça voyage. Ça joue sévère et ça rigole autant (Toine n’est jamais le dernier à blaguer et à communiquer avec le public).

Gros moment ! Gros succès. L’assistance est comblée et conquise. On se congratule, on trinque, on s’aère quelques minutes… et on est déjà prêt à lancer la jam.

Mais je vous en parlerai plus tard, car elles valaient la peine (celle-ci et les précédentes).

Et puis, il me restera encore à vous parler des concerts au Princesse Bora de Tèr Laba et de Dee Andriambelo avec Solorazaf et Meji Soulside… que je n’ai vu que par vidéo interposée (merci les amis musiciens pour le partage) car un avion pour mon retour en Europe m’attendait déjà (sniff…) et je m’en voudrais de passer sous silence les performances de ces talents à découvrir absolument.

A suivre, donc.

A+
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