Dinant Jazz Festival 2022 – Part 1

Pandémie, inondations… rien n’aura été épargné au Dinant Jazz Festival ces dernières années. Pour la vingtième édition et ce retour à « la normale » (?) il fallait marquer le coup.
Rendez-vous, jeudi soir, à Ciney (c’est dans cette ville qu’avait eu lieu le premier festival, en 1998) avec le quartette de Philippe Catherine et le Positive Tentet de Michel Herr.

La Collégiale toute blanche est noire de monde. Et cela fait vraiment plaisir.

Avec intelligence, Philip Catherine joue avec l’acoustique du lieu – du moins il s’en accommode – en adaptant son répertoire. Il opte, la plupart du temps, pour des ballades. Le son cristallin du piano de Nicola Andrioli résonne et s’équilibre avec la basse électrique, presque en sourdine, de Federico Pecoraro. Aux drums, et principalement aux balais, Angelo Mustapha bat subtilement le tempo lent. Philippe Catherine, fidèle à lui-même, malicieux, chaleureux et semblant toujours un peu « dans son monde », déroule « Pas encore » (petit bijou), « Mare De Note », « To Martine ». Dès que le groove plus musclé s’invite (« Francis’s Delight »), les sons partent un peu dans tous les sens… Alors, on revient vite aux délicats « Les bancs publics », « Smile » et, pour finir, à un très émouvant hymne ukrainien qui fait lever tout le public.

La suite sera beaucoup plus compliquée pour le Positive Tentet de Michel Herr. Pas simple d’adapter le répertoire d’une musique aussi bien écrite et aussi précise aux exigences acoustiques de la Collégiale. Certains morceaux passent un peu mieux que d’autres : quand les cordes ou le piano de Nathalie Loriers jouent seules (« Chimestry And Mystery », par exemple) ou lorsque, par moment, la trompette « muted » de Bert Joris dialogue sobrement avec la guitare de Peter Hertmans (« Pages and Chapters », entre autres). Pour le reste, c’était plutôt « difficile » et très confus. Bref, c’était une fausse bonne idée que d’organiser un concert comme celui-là dans cet endroit. Je vous propose de vous référer aux concerts que j’ai vu à Gouvy ou à Tournai pour avoir un avis plus objectif sur ce très beau projet (le disque est toujours disponible chez Igloo, n’hésitez pas.).

Le lendemain, vendredi en fin de journée, c’était dans les jardins de l’Abbaye de Leffe que cela se passait. Retour aux sources, ici aussi, et dans de bien meilleures conditions.
Le très nombreux public était, ici encore, bien au rendez-vous pour découvrir d’abord la lauréate du concours jeunes talents de 2019 : Noémie Decroix. Entourée de Simon Groppe (p), Pierre Hurty (dm) et Adèle Viret (cello), elle prend d’abord le temps de planter le décor du voyage auquel elle nous invite. C’est un périple initiatique. C’est l’envol, la découverte, les angoisses, l’émerveillement, les incertitudes, les rires, les peurs, la rage. Bref, c’est la vie avec ses bonheurs et ses accidents. Ce qui est gonflé, c’est d’oser mélanger les univers, les langages, les arts, l’anglais, le français, le suédois. Mais le quartette possède déjà une maturité étonnante. Noémie Decroix a la sensibilité à fleur de peau. On a presque peur pour elle. Elle pourrait fondre en larmes tellement elle vit ses sujets. La voix est maîtrisée et couvre un spectre très large. Noémie peut susurrer, crier, passer de la mélodie au hoquettements avec la même maestria. La musique est exigeante mais tellement bien interprétée (ces solos de piano, ces vibrations à l’archet ou en pizzicati du cello, ce drumming fin et enrobant) que le public reste médusé jusqu’aux applaudissements finaux. Clivant et captivant. Un double disque, « Voids », sortira bientôt (chez La Buissonne), on a hâte. Une artiste à suivre de très près.

Le second concert de la soirée réunit un all star mené par Paolo Fresu, David Linx et Diederik Wissels, soutenu par Christophe Wallemme (cb) et Arnaud Dolmen (dm), avec, en invité, l’étonnant Hamilton De Holanda (bandolim). Rapidement, on est mis sur le chemin de la complicité. David Linx semble guider ses amis. Il chante, scatte, murmure et danse. Il accompagne, dans une gestuelle qui n’appartient qu’à lui, les improvisations d’Hamilton ou de Paolo. Ce dernier fait chanter son bugle ou sa trompette avec l’élégance qu’on lui connait. Il part dans des tourbillons harmoniques et mélodiques d’une luminosité incroyable. Il se contorsionne, tient la note en souffle continu, nous emmène loin, très loin. Au piano, Diederik semble, lui aussi, libéré. Il faut dire que le plaisir circule sur scène, c’est évident. Lorsque le pianiste entame un solo nocturne, inventif et ultra inspiré, on s’élève à quelques centimètres du sol… Et puis, pour enivrer encore plus ce concert plein de fougue, Hamilton De Holanda éclabousse un peu plus encore les compositions d’un jeu, vif, joyeux, précis et virtuose. Toute la musique circule, les improvisations s’entremêlent, excitées par le drumming sinueux de Arnaud Dolmen et cadrées par la contrebasse, souple et solide de Christophe Wallemme. Très grand moment de jazz, de musique et de plaisirs partagés.

Vient ensuite, sous un chapiteau bondé, Marcus Miller, grand prêtre du slap et de la funk. Heureux, lui aussi d’être de retour à Dinant. Aussitôt, la « machine » se met en route. Efficace et dansante. Dialoguant facilement avec le public, Marcus Miller nous offre une petite leçon de jazz funk en laçant à la suite un riff de basse, suivi des claquements de drums d’Anwar Marshall, avant que les soufflants ne s’en mêlent (Donald Hayes (sax) et Russell Gunn (tp)). Derrière, les claviers de Julian Pollack finissent de lier la sauce. Alors ça bouge, ça chaloupe, ça swing même, et puis ça éclate. Puis il y a un moment plus introspectif à la clarinette basse avant de revenir au groove. Sax brûlant, solos de trompette tranchants, ça monte en puissance pour arriver au fameux « Tutu » et, en final, à un « Come Togheter » rassembleur. Simple, pro, impeccable.

Pour finir cette journée de très haut niveau, une dernière visite au Cerf Vert (sur les quais de la Meuse) s’imposait. Là, Sam Gerstmans (cb), Noam Israeli (dm), Pascal Mohy (keys) et Stéphane Belmondo (bugle) entretiennent la jam dans une chaude et sympathique ambiance.

Et ce n’est qu’un début.

Merci à ©Serge Braem et ©Hugo Lefèvre pour les images !

A suivre…


A+

.

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Créez un site Web ou un blog gratuitement sur WordPress.com.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :