Sébastien Texier – Dreamers – Open Music Jazz Club de Comines

Qui n’a jamais mis les pieds à l’Open Music de Comines n’a pas idée de ce que «sens de l’accueil» veut dire. A peine franchi la porte du club, on s’y sent comme chez soi. C’est comme si on était de la famille. Et cette sensation est sans doute valable pour les musiciens aussi.

Ce vendredi 3 septembre, pour l’ouverture de la saison (enfin !!!), ce n’est rien de moins que le quartette de Sébastien Texier qui en est l’invité.

On ne présente plus le saxophoniste français, fils du célèbre et immense Henri Texier, qui a joué avec Edouard Binneau, Noël Akchote, Bojan Z, François Corneloup, Gian Luigi Trovesi, Daniel Humair, Marc Ducret, Steve Swallow, (…) et qui est également leader de plusieurs formations : en quintette ou trio avec, entre autres, Claude Tchamitchan, Bruno Angellini, Manu Codjia, Christophe Marguet… ou en quartette sous le nom de Dreamers.

C’est avec cette dernière formation qu’il se présente ce soir. Aux drums Guillaume Dommartin, à la guitare Pierre Durand et à l’orgue Hammond Olivier Caudron. Dreamers est un voyage musical aux pays des musiques. Le point de départ est peut-être ce bues des origines qui a envie de défrichage, de découvertes, de rencontres constantes, qui se gonfle d’une énergie sans cesse renouvelée et de la pulsation particulière et singulière qui n’appartient qu’aux «Texier». Bon sang ne peut mentir.

Alors ça démarre franco : «Let’s Roll», brillant et endiablé, est inspiré du bayou. Le sax chante, l’orgue Hammond prend la couleur du bourbon, la guitare répond aux échos du delta, la batterie déblaie la route poussiéreuse. Et ça enchaîne avec «Smooth Skin», plus intime et sensuel, supporté par des lignes de basse de l’orgue Hammond, une guitare fantomatique et un drumming tout en brushes qui nettoient les peaux des tambours comme on nettoie l’âme. Quant au sax, il développe des lignes mélodiques sinueuses, parsemées de quelques hoquets et de passages légèrement plus abrasifs et graineux.

Le groove (à l’africaine) parcourt chaque morceau. On joue la joie pour mieux chasser la peur. L’ambiance est de plus en plus chaude et le public est très réactif. La confiance règne, on peut continuer à explorer.

«Take Your Time», inspiré par le confinement, reflète une idée de mélancolie incertaine et d’oisiveté imposée. Le morceau est sensuel, à la recherche de l’harmonieux et du beau. «Hurry Up !» – car il faut bien réagir à la situation – est d’une singularité et d’une simplicité folles. C’est ultra efficace et ça marche encore plus quand le public, instinctivement, accompagne le thème de sifflements et de clappements de mains. Ha ! Si on pouvait se lever et danser !

Certains titres ne laissent pas de doute quant à leurs inspirations. «Dreaming With Ornette», est signé. Mais on est loin du copiage et de l’imitation. Si les murmures du fantôme de «Lonely Woman» s’immiscent, quelques brisures rythmiques viennent brouiller tout ça. L’esprit de liberté est bien présent. Sur le chemin, sax, drums et guitare se chamaillent, se défient, s’encouragent. Alors on part. On part loin. Avec cette sensation d’être dans un travelling à la Hitchcock. On s’éloigne tout en se rapprochant. Ou inversement. On quitte même le sol un instant pour entrer dans une dimension presque cosmique instillée par l’orgue.

A la guitare, Pierre Durand – époustouflant – possède un sens aigu de l’espace qu’il habille de légères distorsions, de crissements, de pizzicati et de glissando brefs. Sa maîtrise de la palette sonore est totale et impressionnante. Il utilise parfois aussi le bottleneck (du blues, du blues !!), comme sur le poignant «Silent March».

Le quartette continue avec la même intensité et la même gourmandise sur un «Friendship» illuminé par un sax nerveux et un solo de batterie sec et explosif. Puis, après «Song For Paul Motian» et «Cap Cod», plus introspectifs (clarinette basse cette fois), il propose «Dreamers» qui synthétise presqu’à lui seul l’esprit du projet et dans lequel se relèvent les réminiscences d’un «Child In Time» de Deep Purple et autres riffs de guitare à la David Gilmour.

Oui, le quartette de Sébastien Texier embrasse un large spectre musical. Du jazz pointu, référencé, ouvert et accessible, marqué, en plus, d’une très forte personnalité. C’est une musique universelle qui fait appel à beaucoup de nos sens et beaucoup de notre imaginaire. C’est une musique totalement humaniste.

On s’en rend compte presque encore mieux après. C’est un peu comme ces rêves qui vous poursuivent tout le reste de la journée. Obstinément. Vous avez dit «Dreamers» ?

A+

Merci à © Sham Vanderveken pour les images.

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