Stefan Orins Trio à l’Open Music Jazz Club – Comines

Il y a beaucoup de concerts à Bruxelles mais, parfois, il faut savoir s’éloigner de la capitale aller écouter des groupes que l’on voit un peu moins souvent, comme le Stefan Orins Trio, par exemple. Je les avais vu, il y a près de dix ans, à L’Archiduc (et quelques années plus tard à la Jazz Station, mais juste pour un début d’un premier set, ce qui m’avait bien frustré).

Ce vendredi 2 octobre, le très dynamique Open Music Jazz Club de Comines avait eu la bonne idée de programmer l’excellent trio lillois et cela valait bien un déplacement jusque-là.

Pour amorcer l’anniversaire des 25 ans du groupe (qui se fêtera l’année prochaine), le trio présente ce soir un bouquet de compositions qu’il a cueilli au hasard de ses cinq albums. Devant une salle bien remplie et respectant – évidemment – les règles sanitaires les plus strictes, le groupe installe aussitôt son univers singulier et ses climats mouvants. 

Élégie et moments en suspension se mêlent à des galops fugaces, comme autant de fuites en avant. « Lugn », d’abord, avance comme une valse lente qui, tout à coup, se désarticule. Le piano, la contrebasse et la batterie agissent comme des électrons libres que seul un magnétisme implicite arrive à relier. « Ask Väder », ensuite, mêle groove et tension qui évoluent en spirale ascendante. Le voyage est passionnant et progresse sous un ciel menaçant et tempétueux qui finit par s’ouvrir.

A la batterie, Peter Orins use de quelques artifices (des tissus pour étouffer le son, des bols en métal pour le faire briller). La frappe est foisonnante et sèche, la sonorité matte. Au piano, le jeu de Stefan Orins est dense et les attaques sont souvent tranchantes, mais l’artiste sait aussi distribuer les notes avec économie, laissant plus de force encore aux silences et aux instants suspendus. A la contrebasse, Christophe Hache ne se contente pas de relier ces deux pôles. A l’archet ou en pizzicato, il prend pas mal de libertés, accentue une pulsation ou en contredit une autre pour ajouter encore plus de relief et de profondeur aux compositions.

Dans ce trio, tout est souvent pudique et intériorisé mais, en même temps, toujours nerveux, tendu et brûlant. Comme, par exemple, sur ce minimaliste et bruitiste « Henri Grouès » (en hommage à l’Abbé Pierre) ou ce sensible « Pour Benjamin Mraz » (en clin d’œil à leur ingé son), dans lesquels il y a autant de retenue et d’élégance qu’une sorte de rage sourde et retenue. Il y a de la dignité, en fait. Il y a de la force aussi. C’est comme un vent froid qui vous oblige à vous accrocher, qui vous épuise et qui, en même temps, vous vivifie et vous régénère à la fois.

Le trio aime les notes qui frottent, aime les tempos qui bougent, les métriques qui, soudainement, se déplacent et emmène la musique dans un faux chaos plein de remous, avant de retomber sur ses pattes et repartir en coup de swing ou de groove. « Upplösning » ou « Pétales au vent » en sont de parfaits exemples. La complicité entre les trois musiciens est évidente. Ils se trouvent les yeux fermés. Ils peuvent ainsi explorer, risquer de se perdre et toujours se retrouver.

 « Ku » et « Ke » permettent toutes les impros : le solo « à blanc », tout en pizzicati de Christophe Hache à la contrebasse est remarquable et celui, sec et décharné, de Peter Orins à la batterie ne l’est pas moins. Ici, on s’interdit les stéréotypes, et ce n’est rien de le dire. Le public est enthousiaste et n’hésite pas à pousser le trio au rappel.

Il y a décidément beaucoup de sensibilité et spontanéité dans ce trio qui recherche constamment l’équilibre entre sérénité et nervosité. La connivence entre les trois musiciens doit y être pour beaucoup, c’est sûr. Il faut dire que cela fera 25 ans, l’année prochaine, que nos trois amis jouent ensemble et continuent à se surprendre.

Il serait bon, pour fêter ce futur événement, d’imaginer une bien belle tournée… en France ET en Belgique. A bon entendeur 😉

A+

Merci à ©Sham pour les images

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