Vincent Peirani, Federico Casagrande & Ziv Ravitz – River Jazz à la Jazz Station

Vincent Peirani, Federico Casagrande et Ziv Ravitz au menu du River Jazz Festival, ce jeudi 24 janvier. Un accordéon, une guitare et une batterie. Une Jazz Station sold out. Un seul et long set pour un projet original, tout nouveau, tout frais…

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L’entrée en matière se fait sous forme d’une valse lente. Le souffle léger de l’accordéon de Vincent Peirani contraste avec la résonnance sourde des coups de pad, sporadiques et réguliers, de Ziv Ravitz. Les cliquetis de la guitare de Federico Casagrande semblent, quant à eux, tisser des liens, unir deux mondes.

Après cette brève mise en bouche, étrange et délicate, le trio nous emmène aussitôt dans l’aventure. Il nous embarque, presque sans nous demander notre avis, dans une cavalcade irrésistible. Il nous embarque comme on enlève les Sabines, en les jetant sur la croupe d’un cheval, derrière le cavalier. On a à peine le temps de s’accrocher. On part au grand galop…

Le groove de Ziv Ravitz est haletant. Les riffs de guitare ressemblent à des coups de cravache. On se croirait dans le désert imaginaire des Tartares avec, en écho lointain, une musique qui pourrait presque ressembler à du klezmer.

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Joker !

Joker, c’est le nom que s’est donné – à juste titre – ce trio insaisissable (et parce que c’est moins «chimique», comme le dit le leader, que le VZF initial). Le groupe déballe ses musiques alternatives (Joker !), amusantes (Joker !), déraisonnables (Joker !). Il se nourrit d’innombrables influences musicales, cassant les codes (Joker !), faisant fi des frontières (Joker !).

Cela ne fait pas longtemps que nos trois amis jouent ensemble (même s’ils l’ont fait dans d’autres formations) et le répertoire est encore en phase d’élaboration. Et c’est cela aussi qui est excitant ce soir : c’est de découvrir cette rencontre entre trois fortes personnalités. C’est découvrir ce mélange d’univers, cette spontanéité, cette recherche d’un terrain d’entente. Sans pression, le trio est d’abord là pour s’amuser (il ne compte d’ailleurs pas enregistrer trop vite non plus, et se laisse le temps de laisser faire le temps). Alors, nos trois musiciens partagent des compositions originales, amenées par l’un ou l’autre, ou se réapproprient des classiques, comme ce poignant «Dream Brother» de Jeff Buckley.

Et c’est incroyable, ce mélange de saveurs et de parfums que l’on s’amuse à déceler dans cette musique (sans y parvenir totalement tellement elle est riche). On passe d’un air slave à des sons plus orientaux. Ça sent tour à tour le souffre, le safran, le romarin. Les moments suspendus se font bousculer par la musique gitane d’une fanfare échappée d’un film de Kusturica. C’est dense, mais la narration est souple et permet de brasser doucement, mais fortement, nos sentiments et de nous « retourner » sans nous brusquer. Alors, forcément, on a envie de courir avec ces trois gaillards, de s’émouvoir, de contempler, de rire et de danser avec eux .

«Full Circle» ( écrit par Peirani pour Youn Sun Nah, avec qui il a beaucoup joué) calme un peu les esprits. C’est tendre et raffiné, légèrement mélancolique.

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Vincent Peirani abandonne alors l’accordéon pour l’accordina (instrument entre harmonica et mélodica avec un clavier d’accordéon) et entonne une sorte de berceuse. «Ninananani» (ou quelque chose du genre) pourrait évoquer les déserts arides et poussiéreux des films de Sergio Leone, puis hésite entre tango et madrigal.

On remonte ensuite vers le nord, vers la Finlande et ses étendues blanches et mystérieuses. La musique chuchote, souffle, siffle (a-t-on déjà entendu quelqu’un faire respirer un accordéon comme Peirani ?).

Le soleil fait son retour avec «Clessidra» et la guitare de Federico Casagrande. Ce dernier joue avec élégance. Il n’y a aucune once de frime chez lui, pourtant son jeu est d’une richesse incroyable. Il avance discrètement, à pas feutrés, comme un chat, mais quand tout le monde s’emballe, il n’hésite pas longtemps à donner quelques coups de griffes bien sentis.

Le jeu de Ziv Ravitz est fin, incisif. Son dosage est parfait entre force et tendresse, entre pureté et effets, entre battements fermes et pulsations décalées.

La plupart des mélodies sont régulièrement traversées par une énergie rock et l’on sent bien l’électricité flotter dans l’air. Alors, le trio continue son périple entre la Chine, l’Amérique du Sud ou l’Europe de l’Est. Tout en humour, tout en gourmandise, sans avoir l’air d’y toucher… Mais bon sang, quel niveau de jeu !

Cette musique est intelligente – mais très accessible car très organique – bondissante, équilibrée et bourrée de variations. Et ce long et unique set passe sans que l’on ne s’en rende compte.

Quand je pense qu’il faudra patienter (trop) longtemps avant de les revoir sur scène… (soupir).

A+

Merci à ©Roger Vantilt pour les images

 

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