Diego Imbert quartet – Sounds

Quatorze ans !

Quatorze ans que je n’avais plus vu Diego Imbert en concert !

La dernière fois, c’était au Sunset à Paris, en 2010. Une preuve de plus que le temps passe beaucoup trop vite et que l’on ne voit pas assez l’excellent contrebassiste français en Belgique. Ce soir, le 19 avril au Sounds, il venait présenter son album sorti l’année précédente chez Trebim Music : Le temps suspendu (qui était passé sous mes radars à l’époque).

Tout est question de temps, finalement.

D’ailleurs, l’album de Diego Imbert s’inspire de cet état de fait et, surtout, de l’œuvre de Marcel Proust : « À la recherche du temps perdu ». J’avoue ne pas avoir lu entièrement ce « monument » (près de deux mille cinq cents pages, quand même), à l’exception – et sans avoir été jusqu’au bout – de « Du côté de chez Swann » et de « À l’ombre des jeunes filles en fleurs » (promis, je m’y remettrai un jour).

Diego Imbert, lui, a profité de la « fameuse » pandémie de 2020 pour lire ce chef-d’œuvre (sans aller jusqu’au bout non plus, avoue-t-il) et s’en est inspiré pour écrire la musique qu’il partage avec ses vieux complices : David El-Malek (ts), Quentin Ghomari (tp, bgl) et Franck Agulhon (dm).

Bugle et ténor s’entremêlent rapidement dans un duel vif mais amical. Le dialogue est impétueux, basé lointainement sur des sonorités « early jazz ». Puis, après l’intervention de la contrebasse, comme pour tenter d’imposer un semblant d’ordre, ça repart en ondulations sensuelles et éclate finalement en une tumultueuse improvisation collective. Tandis que Franck Agulhon répartit une syncope sûre et très mouvante, El-Malek (un son chaleureux et « projetant ») et Ghomari (à la trompette, cette fois) se laissent aller à des solos solides et lumineux. « À l’aube », « Les vagues » et « Combray » nous embarquent déjà très loin.

Ce qui est intéressant et excitant dans cette musique, c’est que, si elle n’augmente pas nécessairement en volume, elle monte toujours en puissance et émotions. C’est sans doute dû à la configuration du quartette (sans instrument harmonique qui oblige les musiciens à toujours être « sur la balle ») mais aussi, certainement, à l’écriture luxuriante de Diego Imbert. Car celle-ci évoque bien les sentiments versatiles de l’écrivain. Et c’est là la force de cet album : raconter une histoire en se basant sur une autre, et la faire sienne.

El-Malek adopte une approche plus nocturne sur le sublime « La recherche » que ponctue avec une régularité sombre Imbert. Puis, sous l’impulsion d’Agulhon qui, après avoir joué au coloriste sur l’introspectif « Les regrets », fait tout éclater en fin de « Spirales » qu’avaient déjà bien secoué le trompettiste et le saxophoniste.

Tandis que « La Madeleine » nous prend à contrepied, tout en hard bop, « La fugitive » lui emboite le pas sans que l’on s’en aperçoive et clôt un concert de haut vol que l’on n’oubliera pas de sitôt.

Il est plus de minuit, on va discuter au bar, on échange les derniers points de vue et on ravive les souvenirs.

On n’a pas vu le temps passer.

A+
.

Laisser un commentaire

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑