Brussels Jazz Festival 2024 – Flagey (Part 1)

Cette année encore, Brussels Jazz Festival à Flagey a proposé une affiche copieuse et inventive. Quitte à prendre des risques, Maarten Van Rousselt et son équipe sont allés chercher quelques perles que l’on n’a pas toujours l’occasion de voir chez nous. Mais ces risques ont été payants (un festival quasi sold-out du début à la fin prouve la curiosité et l’appétit du public belge et bruxellois en particulier).

Comme le programme était très chargé, je n’ai pas eu l’occasion (le courage ?) d’assister à toutes les représentations (et souvent à regret).

Vendredi 12 janvier, studio 1.

C’est le premier concert de la contrebassiste italienne Rosa Brunello en Belgique. Outre le groupe qu’elle dirige depuis près de dix ans, elle s’est aussi imposée aux côtés de Dee Dee Bridgewater et a été repérée par Gilles Perterson ou encore Soweto Kinch. Entourée de la trompettiste Yazz Ahmed, de la saxophoniste baryton et flûtiste Tamar Osborn et du batteur Marco Frattini, Rosa Brunello impose directement son statut. C’est une musique de transe et obsessionnelle. Une musique qui voyage entre différents styles avec une ligne de conduite claire. Le drumming est sourd mais souvent groovy et l’énergie dégagée par la contrebassiste, qui danse autour de son instrument, est communicative. Quelques effluves et ornementations orientalistes s’échappent du jeu très sensuel de Yazz Ahmed. Les contrastes entre la flûte et le grondement du baryton offrent des reliefs très excitants. Le quartette occupe l’espace, enchaine les atmosphères avec beaucoup d’adresse. Brunello, en s’aidant de quelques effets électros, passe de la contrebasse à la basse électrique dans un même geste merveilleusement chorégraphié, pour garder intact la progression musicale. Par rapport à l’album ( Sounds Like Freedom, qu’elle présente ce soir), on perçoit les ouvertures et de grosses opportunité laissées à l’improvisation. C’est à la fois intimiste et groovy, chaud et mystérieux. Intense et parfait ! C’est une véritable révélation !

Le deuxième grand moment de la soirée était réservé à la carte blanche offerte à Casimir Liberski (voilà encore un excellente idée des programmateurs). Le pianiste belge, qui a longtemps séjourné à New York et s’est fait une belle liste d’amis, a décidé de s’entourer, ce soir, de Greg Osby, Larry Grenadier et Nasheet Waits. Excusez du peu. Le studio 4 est full.

Si on le sent un tout petit peu fébrile au départ, Casimir dissipe vite les doutes et fait plus que jeu égal avec ces monstres new-yorkais. On sent d’ailleurs un énorme respect que ceux-ci portent à la musique de Liberski ou de la manière qu’il propose de revisiter des «standards » tels que « Iron Man » de Eric Dolphy ou «Where Are You?» d’Ornette Coleman. Liberski est également un fin compositeur qui ne cherche jamais la facilité. « Osby » (en hommage à Greg) ou « Noto », une ballade « à tiroir » sont savamment taillés. Greg Osby est à l’aise et fait monter le niveau plus d’une fois dans des propositions plutôt osées. Quant à la paire Grenadier – Waits, elle s’entend à merveille et permet aux solistes de se libérer totalement. En rappel – amplement mérité – le groupe revisitera avec beaucoup d’audace et de pertinence «Miyako » de Wayne Shorter. Chapeau bas, l’artiste.

Samedi 13, au studio 1, j’attendais beaucoup du groupe de l’anglais Yoni Mayraz. Son album Dybbuk Tse!  m’avait plutôt emballé. Entre jazz, hip hop old school mâtinés de quelques pointes d’électro drum ‘n bass, on s’attendait à un set joyeux (parfois torturé) et groovy. Mais, apparemment, le cœur n’y était pas. Derrière ses claviers (Korg, Moog ou Nord Stage) le leader ne fait pas décoller (ou n’a pas envie ?) le groupe. La rythmique est pourtant solide (Tom Driessler, eb et Zoe Pascal, dm) et le sax est plutôt farceur (Callum Connell). Mais on s’ennuie un peu. Et le groupe a, en plus, la mauvaise idée de tirer en longueur son concert. Dommage.

Heureusement, il en sera tout autre avec la tribu du Speakers Corner Quartet !

Raven Bush (violon), Biscuit (flûte), Peter Bennie (eb) – qui se vautre en descendant les grandes marches et demandera ensuite un tabouret pour se réconforter – et Kwake Bass (dm) ne sont pas venus seuls. Deux chanteurs rappeurs, Confucius MC et Goya Gumbani les accompagnent ainsi que l’excellent pianiste Joe Armon-Jones !

La scène britannique est en plein essor créatif et propose une diversité de jazz plus inventifs les uns des autres. Et c’est le cas ici. Prônant la paix et l’amour (comme au temps du Power Flower), Speakers Corner installe une ambiance douce et feutrée et fait brûler des paquets et des paquets de bâtons d’encens autour de lui. Les esprits s’ouvrent.

Tout est langoureux, évoluant sur des tempos moyens mais tellement prenant. Il y a quelque chose de cinématographique dans cette musique qui emprunte tantôt à la soul, au gospel et au hip hop mais laisse aussi beaucoup d’espaces aux improvisations qui vont presque chercher l’avant-garde ou le free jazz. Le violon de Raven Bush et la flûte de Biscuit s’entremêlent et diffusent une musique aux couleurs étranges, parfois presque psyché. Minimaliste par instant, groovy à d’autres, le groupe emmène l’adhésion du public dans lequel il se disperse pour prendre encore plus possession de l’espace et pour mieux remonter sur scène afin d’offrir un final à coup de « Love, Love, Love ! ».

Formidable.

A suivre… 😉

Merci à ©Olivier Lestoquoit (Zi Owl) pour les belles images.

A+
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