Michel Seba – Multicolore – Théâtre Marni

Entre le 11 septembre 2021 et le 29 mars 2022, le Théâtre Mani propose un carte blanche à cinq percussionnistes. De cette belle, intéressante et originale série, je n’ai vu, pour l’instant, qu’un seul concert, à mon grand regret. Je n’ai pas pu voir Chris Joris, Etienne Plumer (qui fait aussi de magnifiques photos), ni Fred Malempré. Croisons les doigts pour la performance de Stéphan Pougin.

Mais j’ai vu le projet de Michel Seba (« Multicolore ») et j’en suis heureux ! (De quoi me faire encore plus regretter ceux que j’ai ratés). C’était le 10 novembre. Hé oui, il y a un bout de temps déjà… mais j’avais pris mes petites notes et le souvenir de ce beau moment est resté vivace dans mon esprit.

Si le projet de Michel Seba s’appelle Multicolore, c’est que l’on passe par tous les sentiments, sous toutes les formes et dans tous les univers.

Sur la scène joliment mise en lumière, Michel Seba est au milieu, avec ses djembé, bongo, chekere, cloches, tambours… A sa droite, à l’euphonium, trompette et effets : Niels Van Heertum et, à sa gauche, Rodriguez Vangama à la guitare à double manche (basse et électrique).

Le premier morceau s’éveille délicatement, comme l’aube se lève sur un paysage brumeux et frileux. Van Heertum étend quelques nappes dont il a le secret. Les percussions se font plus présentes, terreuses et organiques. Puis la ligne de basse, comme un battement de cœur, commence à insuffler un tempo de plus en plus haletant. Le jazz qui naît se frotte petit à petit au prog rock. Rodriguez Vangama, que Michel Seba a rencontré sur les représentations de « Requiem pour L » d’Alain Platel et Fabrizio Cassol, alterne grooves de basse et riffs tranchants. C’est déjà la fête.

On retourne aux racines africaines avec un morceau qui soulève la poussière, qui fait trembler le sol. Comme un troupeau qui traverse la plaine. Un autre groove et une transe s’installent. On s’excite, on exulte, on chasse le mauvais œil et on part en fanfare vers… vers l’inconnu, vers l’ailleurs. Vers un autre continent peut-être. On retrouve alors l’esprit d’un Carlos Santana, époque Woodstock, dans le jeu flamboyant de Vangama. Entre jazz et fusion, le trio explore les rives cubaines puis descend vers le Brésil. C’est encore la fête.

Alors on se pose un instant. Le temps d’une ba(l)lade nocturne. Van Heertum, plié sur lui-même pour atteindre ses pédales d’effets, projette des mélodies feutrées et flottantes tandis que le guitariste semble venir les compléter. Seba s’efface mais reste présent, distille une pulsation lente. La composition est somptueuse, toute en force et lenteur. Puis, on reste encore un peu dans le méditatif. On joue avec les échos, les percussions caverneuses, les petits cris, le chant primal. C’est une atmosphère de renaissance à la nature.

L’arrivée de Bilou Donneux derrière la seconde batterie va faire monter l’intensité. Au départ d’un motif répétitif le quartette enrichit les nuances harmoniques. La musique circule comme un courant d’air chaud. Résonne différemment, bat plus vite, puis se détend. On joue on s’amuse. Les clins d’œil s’échangent, les sourires se font plus larges encore. Bilou Donneux s’empare d’un ukulélé aux très grosses cordes qui révèlent un son puissant et singulier. Un son étonnant. Après un bon moment où chaque musicien a eu le temps de se jauger, ça craque et ça part en furie. Seba aux karkabous entame une battle sans fin avec Bilou Donneux aux drums.

La fête, la fête. Encore la fête.

Michel Seba a dans le cœur des milliers de sentiments qu’il n’a pas toujours l’occasion de mettre en avant. Ce soir, il s’est livré plus que jamais. Il s’est livré tel qu’en lui-même. On soupçonnait quand même déjà toutes ses qualités, bien entendu, … mais ici, il est encore plus nu face à son public. Et il est encore plus généreux, plus sensible, plus fou et plus drôle qu’à l’habitude. On ne ment pas quand on est sur scène. Michel Seba le sait bien. Et le public l’a très bien ressenti aussi.

A+

Merci à Olivier Lestoquoit (Zi Owl) pour les images

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