Azolia – Lokerse JazzKlub

Le Lokerse Jazzklub a eu la très bonne idée d’inviter, pour l’un de ses deux seuls concerts belges (!!!), le quartette berlinois Azolia. Il est en effet étonnant que, compte tenu de la très haute qualité de ce projet «co-leadé» – qui plus est – par la vocaliste belge Sophie Tassignon, ce groupe ne trouve pas plus de dates en Belgique (ni en France d’ailleurs). Il faudra y remédier.

A Berlin, le mur est tombé depuis plus de 30 ans, mais on est malheureusement bien obligé de constater qu’il est encore bien présent dès qu’il s’agit de «sortir des frontières» ou d’y entrer. Ces frontières qui ont souvent été l’objet de conflits.

C’est justement de cela que parle Not About Hereos, le dernier album d’Azolia.

Le quartette a élaboré un magnifique répertoire autour des écrits du poète et journaliste anglais – antimilitariste et soldat malgré lui – Wilfried Owen, mort au champ de bataille la veille de l’armistice de 1918.

La force des mots et le message que le poète veut (ou voulait) faire passer est merveilleusement et intelligemment mis en valeur par des arrangements sobres mais certainement pas dénués de puissance. Il s’agit ici d’un jazz de chambre à l’atmosphère singulière qui invite surtout à la réflexion, au recueillement, à la mélancolie et aussi à une certaine forme d’optimisme (quand même !).

Azolia est donc emmené par Sophie Tassignon (voc) et Suzanne Folk (as, cl, voc) qu’accompagnent superbement Andreas Waelti à la contrebasse et Lothar Ohlmeier à la clarinette basse ou au soprano.

Chaque morceau est une histoire, un point de vue, une allégorie qui met en lumière la bêtise humaine. La poésie est grave, le message est fort. Les guerres, de ‘14, de ‘40 et les suivantes n’ont-elles vraiment pas suffit ? Apprendrons-nous un jour ?

Ce sont ces questions auxquelles Azolia nous confronte.

Le public, très nombreux, est ultra attentif. Subjugué par le propos et par la musique du groupe. Il faut dire aussi que la voix de Sophie Tassignon a quelque chose de magnétique. Sa tessiture unique et son timbre très particulier conviennent idéalement à la configuration du groupe. Les sons, souvent feutrés, sont au service des mélodies douces-amères. Clarinette basse et sax alto évoquent cette couleur vert de gris, ces patines olive et ocre, tandis que la contrebasse renforce encore le côté boisé et fumé de ces grandes maisons du siècle dernier, chargées d’histoires. La musique est très évocatrice et, en même temps, très ouverte. Les musiciens créent une atmosphère intime et très complice. Tout se joue en subtilités et nuances, mais aussi en surprises et inventivité.

Waelti use d’effets légers à la contrebasse. Ses doigts glissent sur le cordes et entretiennent le « malaise ». Et quand il utilise l’archet, c’est pour nous entrainer encore plus loin dans les profondeurs de l’âme. Des incartades plus contemporaines, par un chant plus abstrait, un scat hoqueté (« Happiness »), viennent bousculer nos certitudes. Des échappées surprenantes d’Ohlmeier, au soprano (« Futility ») et surtout à la clarinette basse, nous déstabilisent.

Le dialogue entre alto et contrebasse, ou entre clarinette et contrebasse, offrent beaucoup de champs libres à l’imagination. Oui, on est dans la tête du poète. Et ce n’est pas le solo de Suzanne Folk, en souffle circulaire (« Greater Love »), qui nous en fera échapper.

Et puis, le frisson parcourt l’échine lorsque voix et clarinette basse se rejoignent, à la perfection, juste sur la note. Du grand art. De même, quand Sophie et Suzanne se retrouvent à chanter en canon. C’est troublant. La maîtrise est totale et l’émotion est garantie. C’est « simplement » magnifique.

Ce projet est émouvant et surtout indispensable. Alors, une tournée (une belle, une grande) en Belgique et ailleurs ne pourraient que rendre ce monde meilleur.
A bon entendeur…

A+

Merci à ©Cees Van de Ven ( Draai Om Je Oren) pour les images.

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