Julie Campiche Quartet – à Jazz9 et à la Jazz Station

Quand on aime on ne compte pas, dit-on. Et j’aime – plutôt deux fois qu’une – le dernier projet de Julie Campiche. Et comme j’aime aussi la Jazz Station et Jazz9 (où je ne vais pas aussi souvent que je ne le voudrais, malgré un accueil toujours chaleureux et une programmation toujours intéressante), l’occasion était toute trouvée pour aller du côté de Namur le vendredi et du côté de St-Josse le samedi.

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La harpiste suisse, Julie Campiche, était auparavant l’une des deux co-leader avec Yaël Miller d’un quartette fascinant : Orioxy ! Le groupe a splitté, mais la fascination est restée.

Elle est maintenant leader d’un quartette tout aussi surprenant dans lequel on retrouve Leo Fumagalli (ts), Manu Hagmann (cb) et Clemens Kuratle (dm).

Onkalo, l’album qu’elle présente ces deux soirs en Belgique, a quelque chose d’intriguant, de dérangeant même, d’éminemment original et de très personnel (je vous invite à lire ma chronique ici).

A Mazy, vendredi 21 février, le club est comble. A Bruxelles, le lendemain, il l’est aussi. Ça fait du bien et c’est rassurant de sentir autour de soi des gens curieux. C’est amusant aussi d’observer la désorientation du public au début de chaque concert. On applaudit ? On n’applaudit pas ? On applaudit quand ? On angoisse ? On prend du plaisir ?

Il faut dire que le langage musical du quartette surprend. Et le propos aussi. L’écriture est intelligente et les arrangements sont fignolés. Chaque composition est « engagée ». Chaque morceau a une histoire à délivrer, un combat à mener, une réflexion à partager. Aucun d’eux ne manquent de pertinence, ni d’émotions, ni de tension.

Julie Campiche ou Clemens Kuratle, auteur notamment de « Holly Land », n’hésitent d’ailleurs pas à expliquer et contextualiser chacune des compositions. Et à Jazz9 comme à la Jazz Station, le public écoute, adhère et applaudit.

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Pour ouvrir le concert, l’inédit « Aquarius » (en référence au bateau tristement célèbre transportant, tant bien que mal, les migrants en Méditerranée) déstabilise autant qu’il ne soude le public. La musique est très évocatrice et laisse beaucoup – vraiment beaucoup – de place à l’imagination. Le son cristallin de la harpe, faussement gentil, le drumming sombre, le sax un peu rauque et les effets puissants de la contrebasse électronisée, nous plongent dans un univers vraiment particulier. Mais le groupe suscite aussi rapidement, avec une sincérité incroyable et une aisance déconcertante, une empathie très forte. Il joue autant avec la mise en confiance qu’avec les mises en garde.

« Cradle Song », semble vouloir nous anesthésier pour mieux nous plonger dans l’inquiétant « Onkalo » (référence à la « cave » aux déchets nucléaires) avec ses effets hypnotiques, anxiogènes et psychédéliques. Les crissements sur les cordes de la harpe, boostés par les effets électros, contrebalancés par le drumming sourd de Clemens Kuratle – qui utilise volontiers les mailloches – , soutenus par le sax fantasmagorique de Leo Fumagalli et contrôlés par une contrebasse qui joue le rôle du compte à rebours fatal, font froid dans le dos. Tout cela donne à réfléchir. Tout cela excite. Tout cela fait dresser les poils. Non, la musique de Julie Campiche n’est pas innocente, loin de là : elle est utile.

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Chaque musicien use, à sa façon, de quelques effets électros subtilement dosés, pour accentuer les creux ou aiguiser certains reliefs. On joue les silences, les cris étouffés ou les pleurs lointains (dans « Peter, Where Are You ? », par exemple). Sous ses aspects simples et accessibles, il ne faudrait pas sous-estimer un travail harmonique complexe, des couches rythmiques latentes et des métriques décalées, comme sur ce « Parenthèse » tout en orientalisme. De micros effets, presque imperceptibles, viennent régulièrement vous hanter l’esprit. Tout cela donne à l’ensemble un équilibre fragile et une atmosphère unique.

Le quartette ménage ses effets. De longues plages tendres et mélancoliques, minimalistes et hypnotiques, presque répétitives et pudiques (« Destet Dard Nakonesh »), contrastent avec des moments plus déroutants, comme ce « Flash Info » qui en fait sursauter plus d’un dans la salle et nous ramène à une réalité parfois trop hystérique.

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En rappel, à Mazy, le public réclame un morceau nerveux et puissant, comme pour exulter. A Bruxelles, il demande un supplément de douceur… Mais ensuite, pas encore rassasié, il profite d’un second rappel, rageur, cette fois-ci !

Tantôt apaisant, tantôt mystérieux, tantôt groovy et tantôt agressif, le quartette de Julie Campiche ne peut laisser personne indifférent. Et c’est bien là l’une des nombreuses qualités de cette musique étonnante et de ce(s) concert(s) grisant(s).

A écouter, à voir et à revoir, encore.

 

 

A+

Merci à ©Jean-Luc Goffinet pour les images à Jazz9 et à ©Roger Vantilt pour celles de la Jazz Station.

 

 

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