Orbit – Oliva, Boisseau, Rainey – à la Jazz Station

On s’enfonce dans la musique comme on s’enfonce dans une jungle.

Chacun des musiciens ouvre, élague, force un passage. A la machette pour Oliva, à mains nues pour Boisseau, à coup de bâtons pour Rainey. Les gestes sont sûrs et précis.

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On recherche un trésor enfoui, fragile et précieux, qui risque peut-être de s’évaporer ou de se dissoudre à tout moment. Alors il ne faut pas perdre de temps. Et éviter le risque de tout détériorer.

Soudain, on trouve. L’objet est là, un peu difforme.

On tente de se calmer, mais l’excitation est forte. On explore la pépite sous toutes ses facettes. Oliva la retourne dans tous les sens, met délicatement à jour quelques aspérités, dégage quelques formes plus douces, plus galbées ou rebondies. Il faut affiner encore. Les cœurs battent, ils résonnent dans la caisse de Boisseau.

Le caillou se révèle. Il en émane un parfum d’un autre temps qui ravive des souvenirs lointains. Un visage, une boucle de cheveux flous, l’éclat éteint d’un regard, d’un sourire doux.

L’esprit encore embrumé de mélancolie, on décide d’aller voir plus loin.

On marche, on avance, on observe, on scrute, on doute, on espère, on cueille, on ramasse. Rainey gratte, griffe, frotte, croque. Boisseau tamise, soupèse. Oliva observe, extrapole, suggère…

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Sur un chemin mystérieux, presque en silence, Boisseau progresse en éclaireur, à pas feutrés. Dans la pénombre on devine une forme, une autre forme… informe.

Les autres attendent, le laisse explorer. Quand il revient sur ses pas, on le bombarde de questions. Ça fuse de toutes parts. Ça brille dans les yeux et ça brûle dans les esprits. L’exaltation est à son comble.

Mais le vent se lève, la terre semble se dérober. Il faut consolider, ne pas paniquer, penser vite. Assurer. Un tourbillon de boue emmène tout. Tout s’accélère. Ça tremble, ça tangue. Rainey plante fermement des pieux pour ne pas sombrer, pour ne pas se laisser embarquer, pour éviter la dérive.

On se réveille. Un peu groggy. Et on reprend la route dans un décor désolé.

Est-on sur l’autre rive ? Un autre continent ? Une autre saison peut-être. On rassemble ses esprits, on recherche de nouveaux indices. On interroge les souvenirs douloureux, graves, parfois pesants .

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Un feu couve sous la braise. Le piano crépite, la batterie souffle, la contrebasse vibre. La chaleur monte. On ne voit rien, mais tout se consume quelque part, sous nos pieds. Le ciel se noircit et de fines particules incandescentes s’élèvent vers un astre invisible. Come une prière, une offrande…

Un message se dessine. On dirait des écrits anciens qu’il faut déchiffrer. On recolle les morceaux, on commence à comprendre le sens. Il y a une brèche. On se faufile, on se précipite. L’espace s’ouvre. Le temps se suspend, on rêve d’une fleurette africaine… On invoque les esprits qui apparaissent petit à petit.

Ornette, Monk, Duke…

C’était donc ça…

C’était Orbit. Le trio de Stephan Oliva, Sébastien Boisseau et Tom Rainey.

C’était inouï.

C’était vendredi dernier à la Jazz Station.

 

 

A+

Merci à ©Roger Vantilt pour les images

 

 

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