Tom Bourgeois – Murmures – A la Jazz Station

Le saxophoniste français Tom Bourgeois (entendu avec Geoffrey Fiorese, Odil ou TAB, entre autres) travaille sur son projet personnel Murmures depuis deux ou trois ans déjà.

Avec l’accordéoniste Thibault Dille, le guitariste Florent Jeunieaux et le vocaliste Loïs Le Van, il vient de publier le résultat sur un premier (double) album édité par Neu Klang. Cette formation, au line-up plutôt atypique et qui charrie une musique originale et très délicate, était à la Jazz Station, ce 20 octobre, pour partager avec un nombreux public deux heures de rêveries quelque peu hors du temps.

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Le quartette (devrait-on dire « quatuor » ?) nous immerge tout de suite dans une ambiance intimiste avec « Melancholia ». La mélodie, faites de pleins et de déliés – jouée au soprano par le leader – accompagne à l’unisson la voix singulière de Loïs Le Van. Thibault Dille, de son côté, esquisse les harmonies, fait un bout de chemin avec le guitariste qui anticipe ou termine les phrases. Les liens sont fragiles, flottants et très aériens.

Tom Bourgeois passe du ténor à la clarinette basse ou au soprano suivant les compositions, offrant ainsi des couleurs différentes suivant les thèmes. Parfois aussi, on joue en duo ou en trio. Bref, on varie les plaisirs mais on reste dans un univers assez défini. Il y a souvent un côté légèrement désuet dans ces ambiances musicales. On y décèlerait presque une poésie surréaliste, entre Jacques Prévert et Paul Éluard, comme dans « Les Petits Cailloux » (écrit par François Vaiana), par exemple.

Les Murmures de Tom Bourgeois nous racontent autant d’histoires de temps qui passe, de petites angoisses, de petites obsessions, que de sentiments immatériels.

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La mélancolie qui plane sur la majeure partie des compositions n’est pourtant pas exempte de variété, de clin d’œil ou d’exercice de style, comme dans la composition « Winter », remontée, avec malice, à l’envers, sur le thème de « Summertime ». Il se dégage alors un sentiment un peu ambigu. On imagine un courant chaud traverser doucement des plaines froides et dénudées avant qu’un vent – personnifié par le grondement du sax de Tom et le chant plus coléreux de Loïs – ne se lève.

Une respiration ensuite – presque bossa, en duo guitare voix – avec la reprise du thème de Charles Mingus « Duke Ellington’s Sound Of Love » est la bienvenue. Elle nous permet ainsi d’apprécier pleinement le jeu fluide et délicat de Florent Jeunieaux. Quant à « Créature », après l’intro bourrée de reverbs et de distorsions noisy rock du guitariste, elle ferait presque penser à la musique d’un film néo-réaliste italien.

Thibault Dille, lui, possède ce son particulier qui oscille entre bandonéon et musette, musique contemporaine ou contemplative. La force brute et âpre de son instrument se mêle à une délicate mélancolie : comme une douleur douce. Son solo sur « Charlie » nous laisse d’ailleurs pantois d’admiration.

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Ce sont toutes ces petites touches, ces aspérités, qui rendent l’ensemble attachant.

Tom Bourgeois et ses amis reprennent aussi quelques mouvements du «Quatuor pour cordes » de Ravel. Le leader à réarrangé l’ensemble avec beaucoup d’ingéniosité pour permettre à Loïs Le Van de se mettre en avant de belle façon, mais aussi pour laisser beaucoup de place, tantôt à l’accordéon, tantôt à la guitare, de s’exprimer pleinement.

Ces Murmures diffusent un parfum de nostalgie et de poésie sombre qui donnent une personnalité toute particulière au groupe. Cela vaut la peine de se donner le temps d’y succomber.

 

 
A+

Merci, une fois encore, à ©Roger Vantilt pour les images.

 

 

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