Manolo Cabras Quartet – Jazz Station

En septembre 2016, Manolo Cabras sortait Melys In Diotta (chez El Negocito Records) avec son nouveau quartet. Ce samedi 24 mars, la Jazz Station l’accueillait pour l’un des trop rares concerts de présentation de cet excellent album. Bien sûr, il y a eu quelques dates ici ou là (Hopper, Sounds, Lokerse Jazzklub ou Jazz In ‘t Park), mais il est quand même assez étonnant que ce groupe n’ait pas joué beaucoup plus souvent. La musique est sophistiquée et demande à l’auditeur de se plonger dans un certain mood ou un certain état d’esprit, certes, mais elle est tellement riche et tellement bien écrite qu’elle en devient rapidement accrocheuse et l’effort (l’effort?!) est vite récompensé. Il faut dire que ce jazz, joué par quatre musiciens à qui on ne la fait pas, a de quoi réjouir.

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Outre le vieux complice Marek Patrman (Erik Vermeulen, Ben Sluijs, Free Desmyter ou Augusto Pirodda…) dont le jeu est toujours autant impressionniste et tachiste que claquant et incisif, on retrouve Nicola Andrioli dans un registre qu’on ne lui prête que trop peu souvent. Il y a toujours chez ce dernier une délicatesse et un certain romantisme qu’on lui connait, mais il le dissimule ici dans un jeu très ouvert, parfois presque abstrait et souvent sombre. D’autre part, quand il s’agit de jouer vite et de ruer un peu dans les brancards (sur «E.S.D.A.», par exemple) il est là aussi. Et avec quelle présence !

Et puis que serait ce quartet sans l’apport précieux de Jean-Paul Estievenart, trompettiste tout-terrain à la fougue maîtrisée, sorte de caméléon à la personnalité de plus en plus affirmée ? C’est indéniable, Estiévenart s’est façonné un son, une griffe.

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Les premiers morceaux jouent beaucoup sur l’atmosphère et se construisent sur des ostinatos imposés avec une force tranquille par Cabras. Tandis que «Melys in Diotta» oscille entre mélancolie et danse éthylique, «E La Nave Và» évoque un néo-réalisme italien qui navigue entre le bonheur, la légèreté et le chaos. Puis, quand ça balance vers un free-bop très ouvert (à la William Parker, Hamid Drake et consorts), ça craque de partout, ça file et ça freine, ça tangue, c’est fragile et solide à la fois. Chacun des solistes s’exprime pleinement : un piano fougueux, une trompette hallucinée et un drumming explosif. Et nous, on prend un pied pas possible.

Et le second set continue un peu dans la même lignée. On installe d’abord une ambiance feutrée et inquiétante avec «Lena». Trompette bouchée, notes égrainées au piano, feulement des balais sur les tambours et des cordes qui impriment un battement régulier. Puis on va déterrer les racines du blues pour mieux le déstructurer («Uncle Stevie»). C’est ici que se révèle encore plus la force du jeu de Cabras : anguleux et mobile à la fois.

Enfin on se permet toutes les libertés rythmiques et mélodiques sur le vif et indomptable «E.S.D.A.» avant de clore ce concert intense avec un «No Comment» plein de délicatesse.

Ces quatre musiciens, à la personnalité forte, sont au service d’une musique aussi inventive et brûlante que spontanée et profonde. C’est une véritable musique d’échange, qui se joue sur l’instant dans laquelle rien n’est jamais figé. C’est un vrai jazz vivant qui ne demande qu’à être joué souvent sur scène, pour évoluer encore et encore et devenir énorme.

N’y a-t-il pas un club ou un endroit qui pourrait les accueillir plus régulièrement ?

 

 

A+

Merci à ©Roger Vantilt pour les photos.

 

 

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