Brosella XXS – Bonheur XXL

Covid oblige, le festival Brosella s’adapte, comme d’autres, aux règles sanitaires strictes, mais n’oublie certainement pas la convivialité qui a fait sa réputation.

Pour le coup, la programmation s’est étalée sur quatre jours, deux pour le blues et le folk (jeudi et vendredi) et deux pour le jazz (samedi et dimanche). Chaque groupe (ou presque) a droit à deux prestations afin de se faire voir et entendre du plus grand nombre (la jauge du Théâtre de Verdure étant limitée à 200 personnes).

L’organisation est impeccable. Le parcours est fléché, les chaises espacées, les mesures d’hygiène (gel hydroalcoolique, masque…) sont respectées et chacun trouve sa place à l’ombre, à la fraîche, en ce week-end caniculaire. Et si l’on veut se rafraichir encore plus, il suffit de lever la main et un bénévole vient vous servir. La classe. Aussi bien que dans un club !

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16 heures, on peut commencer.

3’AIN monte sur scène et se protège du soleil sous de grands parasols.

Le trio, composé de Yamen Martini (trompette), Otto Kint (contrebasse) et Piet Maris (accordéon), s’est formé assez récemment et propose un jazz folk très influencé des musiques orientales.

Tout se joue dans la douceur, la méditation et la mélancolie.
La trompette s’amuse avec les arabesques et les demi-tons. Le son est limpide et ample.
L’accordéon se fait souvent grave et parfois plaintif, rappelant la musique des Balkans. Entre pizzicati et archet, la contrebasse fait le lien entre optimisme et douleur.
C’est cela qui est intéressant avec ce groupe, c’est ce mélange subtil d’ingrédients venus des quatre coins de la Méditerranée.

« Njord Puffin » est moelleux, « Kraska » est plus incisif, « BZ-189 » est grave. Les titres s’inspirent souvent de noms de bateaux ou de l’imaginaire marin (le groupe a ses bases à Ostende). On voyage en restant à quai mais le trio nous embarque dans des périples rêvés. Les bateaux qui partent ou reviennent d’ailleurs embarquent avec eux des histoires vécues ou à vivre. Un certain fatalisme se dégage de cette musique qui mélange avec subtilité les styles et les genres. C’est une rencontre empreinte d’une humanité non feinte. Et ça fait du bien.

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Il y a longtemps que je voulais voir Naïma Joris avec son propre projet. Je l’avais déjà vue avec son papa, Chris, et j’avais été assez époustouflé. Ce samedi, elle était programmée avec son trio (Lara Rosseel et Niels Van Heertum).
Surprise ! Elle est seule sur scène. Et c’est son premier concert en solo !

Elle est seule avec son clavier, sa guitare, son soprano, son laptop et sa voix… Et quelle voix !

Dès les premiers accords de « Harvest Moon » le Théâtre de Verdure se tait. Même les oiseaux se taisent et écoutent.

Ce chant est incroyable. Cette voix qui hésite entre deux octaves et qui trouve son chemin entre sincérité et vérité est un délice pour les oreilles et le cœur.

Et cette attitude sur scène, qui semble s’excuser de chanter (en glissant avec modestie que « c’était mieux à la maison »), et cette humilité qui rend l’artiste encore plus touchante et fragile. C’est irrésistible.

« Saudade », « Strange Fruit », « Gaviota », « Cucurrucucu Paloma », « Missing You »… Cette véritable fille du monde enchaîne les morceaux, pleins de nostalgie, en anglais, brésilien, italien, grec avec une candeur et un talent désarmant. L’heure passe beaucoup trop vite. On est sous le charme. Énorme coup de cœur !

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Dimanche, la température est toujours aussi agréable à l’ombre des grands arbres, et les bénévoles (qui font un travail remarquable) sont toujours aussi sympathiques et dévoués.

A 16 heures, Bram De Looze, seul devant son grand piano, se fait d’abord romantique et élégiaque. Il improvise avec élégance sur une ballade tirée de son dernier album « Colour Talk ». Puis il durcit le ton, s’emballe dans un jeu plus contemporain aux motifs un peu plus répétitifs et sombres (cette main gauche qui ponctue régulièrement, de façon presque dissonante le thème, est fascinante.) Bram module les tempos, alterne les accélérations avec les moments suspendus. C’est une longue suite pleine d’intrigues que nous propose le pianiste.

Le phrasé est tantôt percussif, tantôt langoureux, les attaques sont franches et, tout à coup, extrêmement délicates. La musique est complexe sans jamais être inaccessible car Bram De Looze a le sens de la narration et entraine dans un long et beau voyage entre virtuosité, détente et surprise, un public presque hypnotisé. Du grand art.

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Avec le trio de la trompettiste Pauline Leblond, on revient à un jazz plus « traditionnel ». Cependant, l’angle qu’elle propose ne manque vraiment pas de personnalité. Entourée de Victor Foulon à la contrebasse et de Matthias de Waele aux drums, elle ouvre pas mal d’espaces aux improvisations qui sortent des sentiers battus. Il y a de l’audace dans les solos et chacun des musiciens joue avec les limites.

Entre swing et délicatesse, Pauline réconcilie autant le «early jazz» (avec « Stardust », par exemple) que le cool (« Escaliers de Lisbonne ») ou le jazz plus contemporain (l’excellent « From A Cumulonimbus »). Les compositions intelligentes mettent surtout en avant des mélodies pleines de nuances, de sensibilité et de contrastes musclés.

Un très beau trio qui a son mot à dire sur la scène jazz et qu’il vaut mieux tenir à l’œil (et à l’oreille).

Et… quoi… je n’ai pas vu Aka Moon ? Hé bien non… J’ai laissé ma place (à regret) à d’autres spectateurs. Les places sont limitées et il en faut pour tout le monde.

A+

Merci à © Lieve Boussauw pour les images (3’AIN et Naïma Joris) et à © Didier Wagner (Bram de Looze et Pauline Leblond)

 

 

 

 

 

 

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