Le projet allait éclore juste au moment où une méchante pandémie survenait. Il y a presque deux ans.
Suite à des coups de cœur et des rencontres inattendues, la chanteuse Barbara Wiernik avait réuni, peu à peu autour d’elle, une violoncelliste (Sigrid Vandenbogaerde), une clarinettiste (Hélène Duret) et une vibraphoniste (Jessica Ryckewaert). Une configuration peu commune qui allait lui donner envie de chanter et de composer.

Ellipse.
Ce vendredi 5 novembre, à L’An Vert, après une ultime résidence d’une semaine, le quartette (quatuor ?) se présente enfin au public.
L’excitation et la fébrilité se lisent sur le visage de Barbara. Mais bien vite, devant un auditoire très chaleureux, la musique prend le dessus.
Nos quatre artistes posent les bases avec « Falling Slowly » et nous entraînent dans un imaginaire élégiaque, contemplatif… et voluptueux. Puis, « Like A Morning Song », agit comme un air frais qui circule dans le feuillage des arbres. Le morceau est faussement apaisé et parcouru de quelques frissons. Le son boisé de la clarinette donne la réplique au marimba. Les pizzicati de Sigrid répondent au chant de Barbara. Enracinement et fragilité.

C’est cela Ellipse. C’est évoquer des souvenirs, raconter des poésies, dire des choses fortes, croiser des univers, mélanger des sentiments. La voix de Barbara se faufile dans les méandres musicaux concoctés par Alain Pierre. Un véritable travail d’orfèvre. On ne s’en rend pas compte au premier coup d’oreille, mais quand on écoute encore plus attentivement, on perçoit les subtils détails, les fins ornements, les doux reliefs. Cette musique oblige les musiciennes à de véritables prouesses. Jessica Ryckewaert passe du vibraphone au marimba entre deux mesures, Hélène Duret alterne clarinette et clarinette basse en un mouvement. Sigrid Vandenbogaerde fait courir ses doigts sur le violoncelle avec élégance et maestria. Les univers évoluent sans cesse et les couleurs varient constamment. Tout cela semble si simple… et pourtant.
« What If » aux accents indiens, met en avant un chant carnatique que Barbara maitrise totalement. La chanteuse y met bien plus que de l’émotion, elle met de la vie. Le morceau se révèle presque comme une chanson pop pleine d’insouciance. Elle est aux antipodes d’un « Listen To The Growl », inquiétant et rageur. « Tango Of Your Life », guidé principalement par l’archet de la violoncelliste, évoque des reflets sur les eaux d’un océan imaginaire. Ça scintille… et puis ça se trouble. Le sujet est grave et oppose l’optimisme à une fatalité contre laquelle on ne peut rien. Les mots sont chargés de sens. Barbara sait écrire. Et quand elle ne sait pas, elle demande à Norma Winstone (rien que ça !) de lui venir en aide sur le beau « Distant Destiny ».

Le répertoire est riche et le concert généreux.
« Colorblind », « Crazy Circle », « Bird Of Sukhothai » – délicieux et délicat – s’enchaînent. « Land Of Poetry », qui rappelle par instants des airs de « Norwegian Wood » des Beatles, est plein de mélancolie. Quant à la reprise, toute en lenteur, de « Message In A Bottle », elle est tout simplement magnifique.
Finalement, « Ellipse Lane » ose les dissonances, frôle le chaos. Comme s’il fallait encore se libérer de quelque chose. On s’imagine être au bord de la falaise. Sauter ? Pas sauter ? Les glissandi, comme une spirale, nous attirent dans les profondeurs d’un rêve. C’est une chute irrésistible, un plaisir inconscient.
On en redemande.
Ellipse est un projet décidément très original, totalement accrocheur et accessible. Une musique très personnelle, poétique et lyrique, parsemée de messages interpellants. Et c’est beau.
Un projet à suivre assurément.
A+
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